jeudi 29 avril 2010

Le Chant des sorcières

Le Chant des sorcières, Mireille Calmel

C'est la couverture qui m'a menée à ce livre, paradant sur l'un des présentoirs qui siègent fièrement devant les rayonnages des bibliothèques. J'ai aimé l'image de cette femme se penchant avec compassion vers le preux chevalier, l'éclat ambré de sa robe, j'ai aimé le titre aussi. A la hâte, j'ai enfourné le bouquin dans mon sac et l'ai ramené à la maison, l'oubliant pour un autre que je n'ai finalement pas fini. Et puis, alors que je cherchais de quoi m'évader l'esprit, je suis retombée dessus. Et j'ai commencé à déchiffrer la première page, la seconde, la troisième. Je ne l'ai pas quitté d'un long moment, me plongeant avec volupté dans ce temps reculé, dans ces personnages hauts en couleurs, dans cette histoire féérique, c'est le mot.

J'ai été déroutée de prime abord par le merveilleux qui suintait derrière l'historique, j'ai appréhendé le personnage de Mélusine avec circonspection, et puis je me suis laissé emporter, à l'image de cette rivière du Vercors, passionnément. J'ai dévoré les chapitres, que ce soit dans l'écrin velouté de la nuit ou sous les rayons d'un soleil au zénith, oubliant le monde alentours pour celui, énigmatique et ensorcelant, des héros de Calmel.

Si vous souhaitez connaître intimement cet auteur de talent, rien ne sera plus éloquent que le récit qu'elle fait de sa vie "à livre ouvert" dans son blog, de son enfance malade à a renaissance en tant qu'écrivain et mère comblée. En la lisant, je me suis d'ailleurs beaucoup retrouvée dans ses mots, comme beaucoup d'autres sûrement...
La jeune femme, originaire de Provence, a livré bien des combats contre la mort avant de pouvoir trouver son lectorat. Tenace et courageuse, à l'image de ses héroïnes entières, elle conjugue des talents de chanteuse, d'auteur de théâtre et de comédienne tout en s'adonnant à des recherches historiques qui la conduiront au Lit d'Aliénor en 2001. Ses romans historiques mâtinés de fantastique sont tous des succès : Le Lit d'Aliénor, Le Bal des Louves, Lady Pirate (en coursde lecture), La Reine de Lumière qui fait suite au cycle du Chant des sorcières, encore de la lecture en perspective !

Mais venons en à ce qui nous intéresse...

L'histoire

Nous sommes en 1483 dans le Vercors. Le château des Sassenage dresse ses tours orgueilleuses dans un paysage fait de rocs et de verdures, au-dessus d'un torrent qui fera sombrer Algonde, la fille de l'intendante du château, dans un autre monde, un monde fait de légendes anciennes, si anciennes qu'elles effleurent la naissance de la civilisation.Il est question d'une prophétie qui concerne Algonde et l'enfant qu'elle mettra au monde. Mais dans ce qu'elle doit accomplir d'après la fée Mélusine nulle place pour Matthieu, le fils du panetier qu'elle aime depuis l'enfance. Nulle place pour le bonheur. Dans son abnégation, la jeune fille verra son destin relié à celui d'Hélène de Sassenage, fille du baron, qui lui fera connaître d'autres plaisirs, d'autres passions. Et puis, il y a ces fioles en formes de pyramides, ces trois fioles pour lesquelles les secrets se nouent, se brisent, faisant jouer les personnages d'un tableau à un autre, par delà les frontières, et les temps. Il y a aussi ce prince turc libre et captif à la fois, source et objet de désir, point de liaison entre deux mondes, deux cultures, deux religions.[ A savoir, le prince Djem a bel et bien existé ainsi que sa romance avec Hélène de Sassenage]. Il y a ce bien et ce mal qui s'affrontent sans cesse, jusqu'à se mêler parfois in utero, sous le regard acéré de la Harpie, sous celui amusé d'un destin qui aime à malmener dans ses pièges les âmes faussement tranquilles.


L'appréciation

Il faut se départir de tous ses dogmes pour entrer pleinement dans cette histoire. Mais une fois les armes déposées, une fois tous les possibles acceptés, la magie opère et nous promène de rebondissement en rebondissement sans lâcher prise. Il faut aussi savoir être patient pour comprendre certains éléments dont les morceaux sont distillés en parcimonie, le nœud de l'intrigue principale se payant même le luxe de n'apparaître que dans le tome 2. Enfin, il faut savoir jongler d'un personnage à un autre, sans chercher à comprendre ce qui peut bien les relier, du moins pas encore. Les morceaux du puzzle se mettent en place lentement, peut-être même trop lentement, c'est le seul reproche que je formulerai, mais la patience n'étant pas mon fort, cela pourra vous paraître une qualité, qui sait.
Quant à l'écriture, féérique. Les mots nous emportent, roulent comme les galets de la rivière en temps d'orage, se heurtent, se lient, et nous enlacent le cou comme autant de colliers précieux. Mireille Calmel n'écrit pas, elle chante, avec sa voix de soprano, et nous ensorcelle. Scandaleusement. On voudrait tout savoir, tout comprendre, tout maîtriser, et au final elle nous manipule comme un vulgaire pantin de la Harpie, pour mieux nous époustoufler, nous surprendre, nous dérouter. Bref, vivement la suite !

jeudi 15 avril 2010

Le Blouson Vert



Le Blouson Vert, Guy Abécassis

Je suis tombée sur ce roman lors d'une lubie qui me faisait prendre à la Bibliothèque Municipale tous les ouvrages rangés à la lettre A. Ne cherchez pas, je vis au rythme d'obsessions compulsives. Ainsi donc, cette lubie m'amena en 2007 à une perle rare, ce qui reste pour moi l'un des plus beaux livres lus à ce jour, un petit trésor tant par le sujet du livre que par son traitement, la virtuosité de l'écriture dont j'ai pu savourer chaque mot, chaque tournure de phrase avec un délice sensuel. Je pouvais lire une phrase 10 fois d'affilée, me la rengorgeant pour m'en approprier chacun de ses sujets, verbes, compléments, me délectant d'un adjectif comme l'on se gargarise d'un sirop au cassis (ouh le joli jeu de mot !), comme l'on fait rouler en sa bouche un bonbon acidulé. Ce roman est à consommer sans modération, je vous le présente donc.

Peu d'informations circulent sur cet auteur. L'on sait tout juste qu'il est né en 1927 à Paris et que ce roman qui raconte l'histoire d'un petit garçon juif errant entre la Capitale et le Midi a une part autobiographique. D'origine juive, il est marqué par l'Occupation allemande en 1940, l'exode qui coïncide avec la fin de son enfance. L'entrée dans la vie adolescente se fait en parallèle avec le port de l'étoile jaune. C'est avec son cœur et ses souvenirs qu'il nous décrit la vie de Dan.


Roman paru chez Alfil en 1996, il a été suivi en 2000 par le Voleur d'étoiles et a été récompensé par le prix Jeand'Heurs.



L'histoire

Dan vient d'avoir son certificat d'études, nous sommes en 1939 quand la guerre éclate. Titi qui adore sa vie et plus particulièrement le square de Montholon où il joue avec sa bande de copains, il est aussi d'origine algérienne juive par ses parents. Comme les autres enfants, Dan accueille avec joie l'entrée de la France en guerre jusqu'à ce que la "bataille d'Austerlitz devienne un cuisant Waterloo". Envoyé dans la campagne où il découvre les joies de la vie rurale, il est rappelé à Paris lorsque la menace allemande s'amenuise. Mais au printemps, il est soudain contraint à l'exode avec sa mère, sa sœur et son frère, son père ayant été blessé à la guerre...De fuite en refuge, de ville en ville, on traverse avec Dan ce pays coupé en deux, on découvre que la guerre n'est pas omniprésente et qu'une façon aussi de la combattre est de vivre malgré tout. Des premières amours aux Enfants du Paradis, de l'enfance insouciante aux premiers jours de travail, de résistance, on grandit avec Dan. Et puis vient le moment du retour à Paris, la tentative vaine de la compréhension. Comprendre ce qui a bien pu se passer, et chercher cette réponse terrifiante "Que sont ces êtres devenus ? "



L'appréciation


Un très bon livre qui ne tombe pas dans le pathos ou le purement historique. L'auteur réussit le pari de livrer ici une histoire qui se double de sa propre histoire sur fond d'Histoire. Autobiographie romancée sans doute, un chef-d'œuvre de la littérature de fin du XXème siècle, sûrement. Guy Abécassis manie la langue de Molière avec une aisance délectable.
Son écriture, où résonnent parfois les accents gouailleurs du Dan gavroche, s'enrichit de métaphores aussi jubilatoires que nombreuses. Les cyclistes deviennent sous le regard de Dan et la plume de Guy "les géants de la route en herbe, les diacre et archidiacre d'une église roulante, la procession, les seigneurs du Tour..." , le square de Montholon un fief, îlot de verdure perdu au milieu d'un océan de bitume. L'imagination libère le langage. Et quand les lois antisémites lui donnent l'impression de ne plus être humain, d'être avili à l'état d'animal, les mots l'accablent dans une gradation douloureuse "Mué au fil des décrets et des exclusions en vilain petit canard, puis en canard boiteux, l'ancien potache était devenu un mouton noir rejeté du troupeau et aujourd'hui une brebis galeuse".


Le style est fluide, le vocabulaire sonne à l'oreille, riche et puissant, les images foisonnent, le récit se lit d'une seule traite, tour à tour grave ou léger, démontrant que même dans le malheur il y a toujours une part de bonheur.
L'enfant nous séduit, l'écrivain nous séduit, le récit nous séduit, que demander de plus ?


Petits plaisirs en bouche


"Il était de Paname comme tous les gavroches, les moineaux ou les agents à pèlerine"

"Parisiens de fraîche date, ces provinciaux sentaient encore leur terroir et excitaient la verve du trio de gavroches dont ils ne possédaient ni la gouaille ni l'espièglerie"


"Dan raffolait de ces pérégrinations, au cours desquelles Paris lui entrait par tous les pores de la peau"

"Ces matelots de l'asphalte [...] naviguaient à l'estime [...] tout heureux de pouvoir enfin crier Terre devant leur square retrouvé"

mardi 13 avril 2010

Intro

C'est avec un grand étonnement mais aussi un grand plaisir que j'ai découvert récemment l'univers de la blogosphère autour de la lecture, passion commune à bon nombre d'entre nous, et oui qui a dit que depuis l'émergence des nouvelles technologies les gens lisaient moins ?
J'ai accumulé depuis mes études en fac de Lettres pas mal de fiches lectures sur des feuilles volantes et il m'a semblé judicieux de les retransposer avec les nouvelles sur ce blog, plus pérenne et surtout bien plus économe d'espace. J'espère pouvoir partager avec vous certaines découvertes, certains enthousiasmes autour de ces livres, ces mots qui nous touchent, nous charment et nous évadent vers d'autres mondes l'espace d'un instant, d'une heure, d'une nuit...

Rendre sociale une activité solitaire, c'est ce qu'il y a de magique dans ce monde virtuel je trouve.

Je voudrais aussi faire un p'tit clin d'œil à Nanet qui m'a convaincue de me lancer dans cette aventure bloguesque, merci à toi pour m'avoir montré le chemin ;)


A plus tard pour quelques écritures autour de la lecture.